Najib Cherradi
Un abécédaire de couleurs
Connu pour son talent mais également pour son engagement en faveur de nobles causes, l’artiste a mené plusieursexpositions en faveur des enfants de Gaza, ceux de la Syrie, du Liban et de l’Iraq. Vivant et travaillant à Casablanca, Najib Cherradi est considéré comme l’un des peintres marocains les plus talentueux. Son terrain de jeu : la toile. Son mode d’expression : les couleurs vives à mi-chemin entre le vivant et le décomposé. Sa technique : un collage fondé sur le volume. Comme tous les artistes, Najib Cherradi puise la part la plus significative de son œuvre dans son vécu, ses expériences, son moi. Son travail pictural est une quête perpétuelle. Il a parcouru toutes les écoles universelles d’arts plastiques et a touché à tous les styles. Du figuratif à l’abstrait, Najib Cherradi nous propose aujourd’hui le fruit de cette quête de rare pureté. Sa maturation artistique est bien établie. Et elle est nettement perceptible dans ses dernières œuvres. Furtive, incisive et juste, la touche de Najib Cherradinous introduit directement dans l’univers pictographique d’un plasticien qui donne libre cours à sa sensibilité. Il s’agit d’un plasticien dont la fertilité intellectuelle se reflète dans la production picturale. Cette expérience, Najib Cherradil’a partagée un peu partout, au Maroc comme à l’étranger, à travers plusieurs expositions et rencontres d’art. L’occasion pour le public de découvrir le travail pictural d’un artiste qui marie bien les couleurs froides et chaudes pour un rapprochement inédit, surtout dans ses portraits individuels. Il faut dire que les couleurs s’imposent énormément dans cet univers où l’identité des personnages, frise la fiction, voire le fantasme. Le tout en adéquation avec les plans du devant, dans un rendu visuel attrayant où la vie est toujours présente. De quoi ravir les amateursde l’art contemporain marocain, évidemment. D'autant plus qu’il s’agit d’un artiste charismatique, une figure éprise d’art et de liberté. Et la fantaisie qui caractérise sa liberté d’expression demeure quasiment lyrique. Elle révèle une palette diversifiée d’œuvres inspirées de fragments et de symbolisme, plus gestuelles et moins formelles. Pictographies finement tracées, productions plus libres reposant sur l’emploi de signes, de symboles, de motifs géométriques riches en termes de plasticité et de picturalité. Une synthèse d'expressions à la fois proches et lointaines. Les tableaux de Najb Cherradiont toujours été vus et acceptés dans cette démarche et cette alliance pluridisciplinaires. Son œuvre capte une réelle intuition qui se nourrit d’une créativité qu’elle maîtrise avec une aisance sans aucune complaisance. C’est la clé de lecture qui permet aux visiteurs de décoder ses tableaux. Pour toutes ces raisons, il est considéré aujourd’hui comme un artiste contemporain qui associe son art au symbolisme gestuel. Délivré des contraintes canoniques de la forme, Najib Cherradi se concentre sur ce qui fait la force et la spécificité : rythme et harmonie de la composition dans l'espace, tensions et contrastes des lignes, vigueur et mouvement du trait.
Et si l'art contemporain a pour désinvolture de se séparer, alors là, il faut bien admettre qu'apparemment ce temps est révolu. L'art queNaib Cherradi nous donne à apprécier aujourd'hui n'a plus grand-chose à voir avec cet art contemporain - art de la séparation et du sublime détachement, du néo-plasticisme à l'expressionnisme abstrait - qui semble réjouir certains artistes peintres ou sculpteurs. En fait, il s'agit avant tout d'un soupçon vis-à-vis de l'art contemporain marocain prôné comme méthode de travail par cet artiste. Sa méthode d'approche du regardeur procède par induction de virtualités contenues dans l'oeuvre qu'il ne reste plus qu'à nommer. En chargeant un peu ses tableaux, on peut avancer qu'une telle pratique n'a de cesse de réaliser un programme idéologique, en même temps qu'esthétique, de réhabilitation des notions d'identification et de reconnaissance. Là, c'est d'ailleurs la grande force de la forme constante de notre artiste, qui n'appelle pas à contestation interprétative. L’odyssée de la couleur conduit presque naturellement l’artiste vers l’arabesque qui confirme cette charge décorative de son œuvre sur laquelle j’avais déjà attiré l’attention dans un texte antérieur. L’artiste introduit dans cet équilibre des couleurs dans une zone d’ombre qui brouille les codes d’appréhension tranquille et rend l’œuvre contingente avec des territoires troubles – ceux-là mêmes qui constituent l’énigme des œuvres d’art.
Par ailleurs, Najib Cherradi demeure malgré tout un artiste contemporain. Et donc, il ne peut se résoudre lui aussi à se lover dans un rassurant discours "peinture-peinture" prônant un sublime retrait. Son œuvre est à la fois une peinture et une critique de celle-ci. Une critique de l'histoire de la peinture et du discours souvent entendu sur la peinture.
Le travail de Najib Cherradi fait preuve d’une conception faite d'exigence et d'honnêteté foncière, mais aussi d'instinct immédiat, de rêve fugace et de poésie impalpable. Et ces deux aspects s'harmonisent pour s'incarner littéralement dans la matière, le pigment, le trait et la lumière. Pour lui, peindre est une nécessité. Il a choisi ce mode d'expression par conviction. Artiste de talent, il sait bien que ce qu’il met sur le support n’est pas seulement affaire de subjectivité, il s’agit surtout d’anticiper sur la réalité de ce qu’elle ressent au moment de l’exercice. Cela aboutit à des résolutions qui tiennent de l’aventure, nées qu’elles sont d’une véritable force de tempérament. L’acte pictural est alors un acte de libération et une possibilité unique de se retrouver tel qu’en soi-même.
Par Ayoub Akil, Le Matin ;
2016/17